L'étrange équation "indépendantiste = de gauche ou d'extrême-gauche"

La présente campagne pour les législatives est l'occasion de revenir sur un certain nombre d'équations politiques qui ont cours depuis "nannni-nannan" dans le monde politique martiniquais, dans le milieu des médias et plus largement dans la société martiniquaise. La plus affirmée, la plus têtue, la plus indéracinable même est la suivante :
"Indépendantiste = de gauche/d'extrême-gauche"
Personne n'a encore remis en question les termes de ladite équation alors même que, de toute évidence, il n'y a aucune relation d'univocité ni aucun lien logique entre le premier terme et le second. En effet, quand on regarde par exemple, les indépendances sud-américaines, étasunienne et haïtienne du XIXe siècle, on ne voit aucun leader "de gauche" (pour autant que cette expression eut un sens à l'époque) qui ait conduit son pays à l'indépendance. Hugo CHAVEZ vouait un culte à Simon BOLIVAR mais ce dernier était un Blanc créole, grand propriétaire terrien, qui avait promis aux esclaves noirs de les libérer s'ils se joignaient à la lutte pour l'indépendance, mais qui une fois celle-ci obtenue, n'en fit rien !!! D'ailleurs, tous les leaders indépendantistes des Amériques du Nord comme du Sud au XIXe siècle était des Blancs créoles. On avancera le contre-exemple de Saint-Domingue devenu Haïti, mais c'est en fait, un mauvais exemple, car une fois devenu président le 1er janvier 1804, le général (noir) Jean-Jacques DESSALINES n'eut de cesse de se faire couronner...empereur. On ne peut pas vraiment dire qu'un empereur soit "de gauche".
Quand on arrive aux indépendances des îles anglophones de la Caraïbe au XXe siècle, les choses ne sont pas non plus très différentes. Si quelqu'un comme le Dr Eric WILLIAMS, qui a conduit Trinidad-et-Tobago à l'indépendance, par ailleurs grand historien et auteur de l'indépassable ouvrage "Capitalisme et esclavage", est souvent qualifié de "gauche", c'est au sens anglo-saxon du terme car s'il avait sans doute des convictions personnelles marxistantes, il s'est bien gardé de les mettre en pratique dans son pays. Idem pour Mickael MANLEY de la Jamaïque et les autres leaders de la région. De toute façon, la culture anglo-saxonne, bien plus que la latine, s'est toujours opposée à l'idéologie marxiste-léniniste. Il n'y a eu, en fait, eu que deux régimes vraiment "de gauche" dans notre région, deux régimes récents : celui de Fidel CASTRO à Cuba dans la Grande Caraïbe et celui de Maurice BISHOP à Grenade dans la Petite Caraïbe. Sauf que quand ces deux révolutions se produisent, Cuba et Grenade sont déjà des pays indépendants. Si bien qu'on peut dire sans se tromper qu'aucun pays des Amériques et de la Caraïbe n'a été conduit à l'indépendance par des gens de gauche, d'extrême-gauche ou par des marxistes-léninistes. Quand, autres exemples, Salvador ALLENDE arrive au pouvoir, au Chili ou quand, beaucoup plus tard, Evo MORALES en fait de même en Bolivie, leurs pays sont indépendants depuis près d'un siècle et demi.
Bref, il n'y a aucun rapport entre "Indépendance" et "gauche/extrême-gauche/
Mais il y a une variante de l'équation martiniquaise qui est encore plus fausse :
"Nationaliste/patriote = de gauche/d'extrême-gauche".
On peut toujours jouer sur les mots en refusant de se déclarer "nationaliste" et se proclamer "patriote", mais les mêmes qui se livrent à cette petite acrobatie sémantique sont souvent les premiers à se réclamer de..."la nation martiniquaise" !!! Toujours est-il que quand on examine l'histoire du monde, on se rend compte que le nationalisme est une idéologie "de droite", voire même dans certains cas d'"extrême-droite". Alors bien sûr, on pourra toujours dire qu'un nationaliste de pays colonisé n'a rien à voir avec un nationaliste de pays dominant et que les choses font que le premier est forcément "de gauche" et le second forcément "de droite". D'acrobaties sémantiques en acrobaties sémantiques, on se rend vite compte que l'on tourne en rond et qu'en fait, on a peur d'affronter le problème. Ou plus exactement qu'on aura peur de poser l'hypothèse qui fâche.
Quelle est-elle ?
Avant d'en venir à elle, faisons un petit détour par la Corse où l'on a pris une loi interdisant de devenir propriétaire dans l'île si on n'y réside pas depuis 5 ans (n'importe qui, sans jamais poser les pieds en Martinique, peut y acheter un bien immobilier), où une autre loi est en préparation visantr à privilégier l'embauche des Corses, sans compter le coup de force linguistique, en décembre 2015, du président de l'Assemblée Corse, Jean-Guy TALAMONI, qui prononça son discours d'investiture en langue corse lequel fut sous-titré en...français sur les chaînes de télévision (en Martinique, nos politiciens de tous bords se contentent, en toute fin de discours, d'un "Mèsi anpil ! Mèsi anchay !" qui commence à devenir grotesque). Poussant le bouchon plus loin, TALAMONI déclarera à la presse hexagonale : "La France est un pays ami", ce qui peut se traduire sans craindre de commettre une erreur par "La Corse n'est pas la France". Question : en quoi tout ces choses qui se déroulent en Corse sont-elles "de gauche" ? Elles sont indubitablement "nationalistes" ou "patriotes" par contre.
Donc revenons à notre hypothèse qui fâche. On a quand même le droit de faire des hypothèses, non ?
La voici : "Tant que l'idée d'indépendance sera monopolisée par la gauche ou l'extrême-gauche, la Martinique n'accédera jamais à l'indépendance".
Faché sa ki lé, mé zot ké oblijé défaché an jou...